L’immobilier change, ce n’est une nouvelle pour personne.
Parce qu’il abrite nos vies privées comme professionnelles, parce qu’il épouse nos modes de vie, et parce qu’il répond à des impératifs économiques, démographiques et politiques, l’immobilier ne peut pas être uniquement pensé et conçu comme un actif financier.
Une ville qui segmenterait géographiquement quartiers d’affaires, quartiers commerciaux et quartiers résidentiels n’attirerait plus. Elle serait en décalage manifeste avec des modes de vie où les temps de travail, de consommation et de loisir tendent à s’imbriquer. Penser une mutation de la ville et remettre l’humain au cœur des organisations nécessite de dépasser la pierre et de redonner du cœur aux ouvrages.
L’usage au centre de tout
En physique, la fonction d’usage est le service rendu par l’objet technique pour répondre aux besoins de l’utilisateur. Formule aujourd’hui tombée dans le langage commun en immobilier, la bonne anticipation de « l’usage » devient une priorité pour espérer attirer et retenir les utilisateurs dans un paysage immobilier standardisé.
Un bâtiment durable est un lieu qui s’utilise et se consomme, dont la valeur doit s’analyser par ce qu’elle produit pour ses usagers. Ainsi, à l’image de l’ancien hôtel Mercure Terminus Nord à Paris devenu un hôtel 25Hours en 2019, devient “lifestyle”, en capitalisant sur l’expérience vécue par le « guest » autant que celle du client-voisin, qui ne dort pas à l’hôtel uniquement, mais fréquente aussi le bar ou le restaurant.
L’exercice n’est pas simple : il s’agit de ne pas succomber aux modes passagères ou aux emballements collectifs. Inutile non plus de chercher à avoir raison trop vite. En effet, un portefeuille d’actifs se construit dans la durée, en épousant autant que possible les évolutions de la société. Il faut savoir lever les yeux des chiffres et des indicateurs de rentabilité afin de se donner des perspectives. Cela induit de penser aux modes de vie avant de penser uniquement à la surface du bien.
Une mixité aujourd’hui essentielle
On travaille à l’hôtel ou chez soi, on fait ses courses au bureau, on vit dans une résidence gérée intergénérationnelle… Cela suppose des quartiers et des bâtiments mixtes, modulables et inclusifs, exploités 7j/7 pour contribuer à faire vivre le quartier.
Le « bureau » classe d’actif de référence pendant de longues années, dont la pole position dans les allocations est aujourd’hui remise en cause, n’échappe pas à la règle. Il se mélange à du commerce, de la restauration, du sport, du bien-être, et parfois même de l’hébergement. Les parties communes, comme les halls d’entrée, autrefois considérées comme des surfaces peu productives, y sont désormais soignées, généreuses et animées. Les rez-de-chaussée sont devenus des « socles actifs dynamiques » pour y animer le front de rue. Les espaces de travail diminuent, mais offrent un cadre de vie amélioré pour leurs utilisateurs réguliers comme occasionnels.
Cette vision mixte et multi-usages de l’immeuble, il faut bien sûr la développer à l’échelle du quartier et de la ville, comme l’a fait le chercheur Carlos Moreno avec sa « ville du quart d’heure ».
Des lieux de vie inspirés de la « place du village »
La crise sanitaire et la crise économique ont accéléré des mutations à l’œuvre depuis plusieurs années : celle d’une recherche de sens, d’échanges et de partage, alors que la société tendrait à devenir de plus en plus individualiste. Tandis que les commerces traditionnels se digitalisent, que les pure players du e-commerce innovent dans des flagships hautement expérientiels et que le bureau cherche encore son équilibre en termes de télétravail, nous pensons l’immobilier tertiaire comme une « place du village ». Inspirée des tiers-lieux, la place du village est un lieu animé, à la fois marchand et non-marchand, où l’on se rend autant pour faire ses courses que pour y faire des rencontres et participer à une activité nouvelle. La réhabilitation de la friche industrielle mythique de LX Factory, à Lisbonne, en est un bon exemple.
En conclusion, l’expérience que fait vivre un lieu à ses utilisateurs constitue un facteur potentiel de performance financière des fonds immobiliers qui les portent. À long terme, l’accroissement de la valeur sociétale d’un produit immobilier et son retour sur investissement deviendraient une seule et même chose. Selon Keys REIM, la « valeur d’usage », qui découle de l’utilisation et attractivité du lieu, doit désormais faire partie de la valorisation des actifs immobiliers.
Cet article a été rédigé par
BC France et Keys reims