Les projets de loi de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sont des temps forts qui rythment la vie de notre démocratie. Malgré les efforts de pédagogie des gouvernements, ils sont souvent difficiles à décrypter pour les citoyens. Il faut s’y intéresser, notamment cette année, car le contexte de ce budget nous instruit pour nos décisions d’épargne.
Un budget qui tient des promesses importantes, même anciennes : c’est bon pour la confiance
Il faut toujours commencer par dire ce qui est bien. Et LA bonne nouvelle de ce PLF 2021 c’est le maintien du cap de baisse des prélèvements obligatoires pour les ménages (poursuite de la suppression de la taxe d’habitation pour tous) et pour les entreprises (baisse des impôts de production qui pénalisent notre compétitivité). Toutes mesures annoncées ou étudiées AVANT la crise sanitaire. Si on regarde de plus près il y a même le maintien du cap de baisse progressive de l’impôt sur les sociétés qui date… du quinquennat précédent ! J’ai été le premier à rire de cet engagement enjambant une élection, je me suis heureusement trompé. Cette « stabilité » est bienvenue et est porteuse de confiance car les changements incessants de politique fiscale « le ventilateur réglementaire » empêchent les acteurs économiques de faire des projets stables.
Mais un budget qui n’est peut-être pas à la hauteur du défi de la relance et qui de toutes façons ne sera pas le budget définitif
La revue attentive des 100 milliards dont 37 milliards financés par l’Union Européenne révèle les points suivants :
- 100 milliards c’est pour la communication politique : on mélange dans ce chiffre des mesures déjà programmées, des enjeux de garantie et des financements directs, on compte deux années de baisse des impôts de production (10 milliards d’euros qui pourtant, à iso production, sont actualisables à l’infini) : il y a donc des choux et des carottes
- L’objectif affiché de 41 milliards engagés dès 2021 semble très ambitieux même si les préfets (avec quels moyens ?) seront mobilisés pour garantir le déploiement rapide de cette manne
Si on reste dans l’analyse factuelle : la mesure de prolongation du chômage partiel est essentielle et une partie de ce qu’il faut faire pour tenter de pallier les conséquences dramatiques de la décision de « mise sous cloche » du pays. Mais il y a un double enjeu d’incertitude sanitaire toujours bien présente et de progression au fil de la navigation budgétaire vers un plus grand ciblage des mesures. Certains secteurs, par exemple (hôtellerie, restauration, transport aérien et aéronautique / bassins géographiques (métropoles) sont plus impactés que d’autres. Et l’évolution de la situation sanitaire sera porteuse de nouvelles conséquences à contrer. L’ajustement des mesures et le ciblage sont donc plus que jamais nécessaires mais ils se heurtent à des sujets de programmation budgétaire et d’équité/égalité des aides et de capacité fine de déploiement de terrain. Il y aura donc pilotage via de nombreux projets de loi de finances rectificatifs (ou « collectifs budgétaires »). Par exemple, le sujet du fameux PGE (prêt garanti par l’Etat) est mal traité et devra être révisé : lorsqu’il sera exigible au printemps 2021, il ne s’agira pas toujours d’aménager les durées de remboursement ou d’encadrer les taux, mais souvent tout simplement de prolongation pure et simple. Et il faudra naviguer entre l’écueil de maintien en survie artificielle d’entreprises « zombies », ou celui de laisser l’Etat, dont le talent d’actionnaire n’est pas prouvé, s’immiscer dans la gestion de nos PME via une conversion en prêts participatifs ou directement en fonds propres.
Le PLF 2021 n’est donc pas le PLF réel, particulièrement en cette année incertaine.
Une certitude cependant : l’ampleur des déficits est colossale et ce mur de la dette publique est porteur de conséquences lourdes à moyen et long terme, notamment pour les épargnants
Les ordres de grandeur de la dette publique de ce PLF 2021 sont vertigineux : on pourrait dire en parlant des finances publiques que le gouvernement agit avec un sentiment d’impunité sur son impécuniosité :
- Impécuniosité : la France va passer à un stock de 2 800 milliards d’euros de dette en 2021 et va devoir emprunter 260 milliards sur les marchés en 2021, pour un déficit de plus de 6% du PIB, même après rebond de la croissance, et les enjeux de réduction de la dépense publique (réforme de l’Etat, plans de réductions des effectifs) sont totalement abandonnés
- Impunité : du fait de la politique accommodante des banques centrales la charge de service des intérêts de la dette est au plus bas depuis 2002 : 37 milliards d’euros en 2021 alors qu’en 2002 la dette publique n’était « que » de 1 000 milliards.
Il faudra bien sortir de cette situation, mais comment la sortie se fera-t-elle ?
- Par l’impunité ? Dans ce scénario favorable, cette dette est cantonnée grâce à une hypertrophie du bilan de la BCE, et jamais remboursée, en accord avec nos partenaires européens. Si la reprise économique par la politique de l’offre sur laquelle table le gouvernement fonctionne, cela peut passer. Mais il y aura quand même deux grands perdants potentiels :
- L’épargnant et notamment l’épargnant sans risque (celui qui est investi en livrets ou en fonds euros des assureurs-vie) car les taux d’intérêts négatifs ont de beaux jours devant eux : le taux sans risque devient du risque sans taux
- Les jeunes car la politique accommodante des banques centrales entraîne une inflation des actifs et renchérit le coût d’accès des jeunes à ces actifs, notamment à l’immobilier (accession à la propriété) et aux placements d’épargne retraite de long terme
- Par la punition ? Dans cette hypothèse sinistre les Etats et les banques centrales prêteurs en dernier ressort perdent leur crédibilité, la défiance s’installe sur les marchés sur les marchés et l’on assiste à un krach des dettes publiques et à l’explosion des bulles sur bon nombre de classes d’actifs. Le scénario catastrophe qui en découle est porteur de tensions sociales importantes.
Impunité ou punition ? L’action vigoureuse des Etats et des banques centrales devrait évidemment éviter le pire, mais pour la France la situation peut se compliquer si nos partenaires européens rebondissent plus vite et gèrent mieux leurs finances publiques. Dans ce cas des divergences de vue pourraient survenir et l’ajustement pourra se faire brutalement pour notre pays.
Quel impact sur l’allocation de notre épargne ?
Dans ce contexte particulier, l’adéquation de l’allocation de l’épargne de chaque foyer avec son horizon de temps est essentielle pour ne pas se retrouver piégé et maximiser son couple rendement/risque sur son horizon de placement.
A court terme, les liquidités nécessaires pour faire face en cas de coup dur, en essayant évidemment de chasser le rendement dans un monde ou le rendement sans risque n’existe plus (livrets alternatifs au livret A, contrat d’assurance vie acceptant une part substantielle de fonds euros). A plus long terme, allocation en actifs de rendement (actions, private equity, immobilier…) en veillant à la liquidité et au choix des bonnes enveloppes fiscales). A très long terme (retraite), allocation faisant là aussi la part belle aux actifs risqués au début, mais proposant une désensibilisation au risque à mesure que la date où l’on a besoin de son argent, en capital ou en rente à vie, approche. Dans tous les cas on aura intérêt à veiller aux trois règles de base de l’épargnant averti :
- Investir régulièrement (ou en cas de bascule d’un stock d’épargne vers des placements plus risqués mais potentiellement plus rémunérateurs, orchestrer cette bascule en plusieurs temps successifs)
- Diversifier valeurs, gérants et classes d’actifs pour réduire son risque
- Réévaluer régulièrement son allocation entre enveloppes d’épargne et entre supports de placements en fonction de l’évolution de sa situation et de ses projets, ou tout simplement en fonction du temps qui passe.
Ces règles de bon sens sont celles qui guident le devoir de conseil des équipes de Mon Partenaire Patrimoine. N’hésitez pas à nous contacter pour une revue de votre situation et une remise à plat de votre stratégie. Chez nous le produit vient après le service !