Quelque 350.000 micro-entrepreneurs viennent de découvrir qu’ils ne cotisent pas à la retraite complémentaire, comme ils le pensaient. Plus que jamais, se constituer un complément de revenu pour l’après-vie professionnelle constitue un enjeu crucial pour eux.
Mauvaise nouvelle pour les micro-entrepreneurs (la nouvelle appellation des auto-entrepreneurs depuis 2016) : contrairement à ce qu’ils croyaient, une partie d’entre eux ne cotisent pas à la retraite complémentaire.
Le pot aux roses a été découvert par la Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE) qui a mis la main sur un projet de décret détaillant (enfin) les contributions et cotisations sociales, dont sont redevables les micro-entrepreneurs. Car, aussi surprenant que cela puisse paraître, si le statut d’auto-entrepreneur a été créé en 2008, on ne connaissait pas jusqu’ici la composition des charges sociales qu’ils versent lorsqu’ils réalisent du chiffre d’affaires.
0% de taux d’assurance vieillesse complémentaire
Or, en compulsant le projet de décret, co-signé – excusez du peu – par Bruno Le Maire (ministre de l’Économie), Élisabeth Borne (ministre du Travail), Olivier Véran (ministre des Solidarités et de la Santé), Olivier Dussopt (ministre délégué en charge des Comptes publics) et Laurent Pietraszewski (secrétaire d’État aux Retraites), la FNAE s’est rendue compte que le taux de cotisation d’assurance vieillesse complémentaire des micro-entrepreneurs libéraux affiliés au régime général de la Sécurité sociale est de… 0%.
À la suite d’un rapport accablant de la Cour des comptes sur les multiples dysfonctionnements (erreurs dans l’appel des cotisations, retards dans le versement des pensions…) de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (Cipav) – la caisse de retraite et de prévoyance des professions libérales non réglementées (non régies par un Ordre professionnel) -, le gouvernement a décidé que les micro-entrepreneurs libéraux qui ont lancé leur activité à compter du 1er janvier 2018 ne dépendent plus de la Cipav, mais du régime général (RG) sur le modèle des micro-entrepreneurs exerçant une activité artisanale.
Un manque à gagner à la retraite
On pensait que, comme les micro-entrepreneurs artisans, leurs homologues libéraux affiliés au RG cotisaient au régime de retraite complémentaire des indépendants (RCI). Le projet de décret montre qu’il n’en est rien. Depuis trois ans, les quelque 350.000 consultants, informaticiens, coaches, formateurs, psychothérapeutes, diététiciens, maîtres d’ouvrage et autres designers (près de 400 professions sont, au total, concernées) n’acquièrent donc pas de points RCI. De quoi réduire sensiblement leurs revenus à la retraite, puisqu’ils ne pourront compter que sur leurs pensions de base servies par l’Assurance retraite.
Certes, le projet de décret prévoit que les micro-entrepreneurs libéraux qui le souhaitent auront la possibilité de s’affilier au RCI. Une décision qu’ils devront mûrement réfléchir. Car non seulement l’affiliation sera irrévocable, mais elle fera passer le niveau de leurs charges sociales de 22% à 27,1%. Soit une hausse de 23% !
Exploiter son assurance vie
Les optimistes peuvent toujours se rassurer en se disant qu’il n’est pas sûr que le projet de décret soit publié en l’état, voire promulgué un jour. Le gouvernement ne s’est, pour l’heure, pas exprimé sur le sujet. Il n’empêche, les micro-entrepreneurs libéraux ont, quoi qu’il arrive, perdu trois années de cotisation à la retraite complémentaire.
Surtout, cette affaire montre que la protection sociale des auto-entrepreneurs est aussi précaire que leur activité. Ils ont donc tout intérêt à préparer leurs vieux jours. Pour cela, ils peuvent souscrire un contrat d’assurance vie. Ils peuvent programmer, à partir de leur départ à la retraite, des rachats partiels pas ou peu imposés (au-delà de huit ans de détention du contrat, les gains sont exonérés d’impôt à hauteur de 4.600 euros par an pour un célibataire ou de 9.200 euros par an pour un couple marié ou pacsé). Ils peuvent également choisir de dénouer leur assurance vie en rentes viagères.
Transférer son Madelin dans un PER
Ils peuvent aussi opter pour l’épargne retraite. Ayant le statut de travailleur non salarié (TNS), des micro-entrepreneurs ont d’ailleurs souscrit un contrat de retraite Madelin réservé aux TNS. Depuis le 1er octobre 2019, ils ont la possibilité de transférer leur encours (le cumul des versements majoré des intérêts et plus-values latentes) dans un plan d’épargne retraite (PER).
Ils n’auront alors aucunes cotisations obligatoires à verser, contrairement au contrat Madelin. Mieux : ils pourront débloquer leur PER avant la retraite pour acquérir leur résidence principale ou, après la liquidation de leurs droits à la retraite, sortir à 100% en capital, ce qui n’est pas possible avec le Madelin. Auparavant, ils pourront, comme avec le contrat Madelin, déduire leurs versements volontaires de leurs revenus imposables, dans une certaine limite (*).
(*) 10% du plafond annuel de la Sécurité sociale (Pass) de l’année N-1 (l’année précédente) ou, si la formule est plus avantageuse, 10% des revenus professionnels de l’année N-1 dans la limite de huit fois le Pass de l’année N-1. Il s’agit du plafond d’épargne retraite commun à tous les actifs, les micro-entrepreneurs n’étant pas éligibles au plafond majoré « Madelin » accessible aux TNS n’ayant pas opté pour le régime fiscal de la micro-entreprise.
À propos de l'auteur
Jean-Philippe Dubosc
Rédacteur-en-chef de ToutSurMesFinances.com, expert des retraites