Alors que la jeunesse reprend le chemin de l’école, les banquiers centraux regagnent leurs bureaux feutrés avec un agenda chargé, après leur réunion estivale annuelle, qui s’est tenue fin août à Jackson Hole.
La décrue amorcée
Aux États-Unis, le chemin vers l’extinction progressive des opérations de rachats d’actifs de la part des banques centrales – le tapering – s’est esquissé lors du séminaire de Jackson Hole, qui chaque année réunit une cinquantaine de banquiers centraux du monde entier. Si la décrue est amorcée, la marche reste longue pour en définir le calendrier, le rythme et l’amplitude. Et si le déploiement de mesures accommodantes d‘urgence est généralement consensuel, la suppression des perfusions monétaires l’est moins. Elle est donc susceptible de troubler les marchés.
En outre, le président de Fed, Jerome Powell, qui remet son mandat en jeu, pourrait être tenté d’agir dans l’intérêt du pouvoir exécutif davantage que dans celui de l’institution. Le chemin menant vers la normalisation monétaire, qui passe par la réduction ou l’arrêt des injections de liquidités puis par des hausses de taux, semble donc périlleux. Si l’injection de liquidités est simple, leur suppression peut s’avérer être une entreprise plus ardue. Le premier examen de passage est prévu pour cette fin d’année !
Incertitude
De l’autre côté de l’Atlantique, où la reprise a pris quelques mois de retard, les pressions inflationnistes se concrétisent, comme en témoigne la publication des chiffres d’inflation fin août. Ces derniers ressortent en effet en nette hausse, au-delà des attentes, avec 3% d’’inflation globale et 1,6% pour l’inflation retraitée de ses éléments les plus volatils.
Jusqu’ici relativement immune aux pressions inflationnistes, la zone euro commence à les subir. Si les derniers chiffres d’août sont en partie pollués par des effets calendaires, la mécanique à l’œuvre ressemble étrangement à celle que connaissent les Etats-Unis ces derniers mois, à savoir des tensions dans les chaînes d’approvisionnement, la hausse du prix des matières premières ou encore la ruée vers les services liés à la réouverture de l’économie, qui créent des déséquilibres entre l’offre et la demande.
Si ces facteurs s’installent durablement, ils sont susceptibles de générer une spirale inflation/salaires et de faire prendre à la politique monétaire un virage moins accommodant puis restrictif. Si la trajectoire d’inflation qui se dessine permet de dresser un parallèle clair avec les Etats-Unis, les investisseurs projetteront la trajectoire monétaire américaine en zone euro, en l’ajustant d’un décalage temporel. D’ailleurs, les couloirs de la Banque Centrale Européenne (BCE) bruissent de rumeurs sur les intentions de cesser de recourir au PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme), qui a par ailleurs vocation à s’éteindre de lui-même en mars 2022. Cette échéance devrait coïncider avec le moment où la zone euro retrouvera son niveau de PIB pré-crise. La préparation de cet examen de passage pour la Présidente Christine Lagarde a débuté dès le 9 septembre 2021, date de la réunion de rentrée du Conseil des Gouverneurs de la BCE.
Ce contexte d’incertitude grandissante du volant monétaire semble inviter à une plus grande prudence. À moins que les banquiers centraux ne réussissent leurs examens avec un sans faute ?
À propos de l'auteur
CLÉMENT INBONA
Gérant, La Financière de l’Échiquier