Nos convictions pour les trois prochains mois :
Plusieurs grandes économies sont en récession. Mais cela ne semble pas arrêter la hausse du marché des actions. Même là où l’économie stagne, comme au Japon, les arguments sont nombreux en faveur d’une poursuite de l’envolée boursière.
C’est un peu la douche froide sur le front économique. Tout porte à croire que l’Europe ralentit. Heureusement, l’économie américaine continue de faire bande à part, ce qui contribue à la forte hausse de la Bourse américaine. Et ce n’est qu’un début.
Croissance sous le potentiel
Ça patine. Plusieurs pays sont en récession : Allemagne, Danemark, Estonie, Finlande, Japon, Pérou, Royaume-Uni, etc. En Europe, l’Allemagne est en mauvaise posture. On savait déjà que le secteur manufacturier allemand était en difficulté – effondrement de la production industrielle. Les difficultés s’accentuent avec l’émergence de problèmes dans le secteur bancaire. En cause : la Pfandbriefbank (PBB). C’est une vénérable petite banque allemande, basée à Munich, dont l’histoire remonte à Frédéric le Grand (18ème siècle) et qui n’a pas fait faillite depuis 1901. Elle est spécialisée dans le crédit immobilier commercial en Europe… et aux États-Unis.
Malheureusement, depuis la Covid, l’immobilier commercial s’effondre des deux côtés de l’Atlantique. Environ 15% du portefeuille de la PBB, soit 5,4 milliards d’euros, est directement exposé à l’immobilier commercial américain, dont 80% concerne des espaces de bureaux. Il faut s’attendre à des pertes importantes qui pourraient causer la faillite de la banque. C’est ce que craint le marché. Y a-t-il un risque systémique ? Probablement pas. Mais d’autres acteurs de l’immobilier commercial vont certainement subir des pertes substantielles cette année. Certains devront être renfloués. D’autres devront se vendre à bas prix.
Comparé à l’Allemagne, la situation en France n’est pas si mauvaise. Les banques sont en bonne santé. Le modèle de banque universelle semble faire ses preuves, encore une fois. En outre, nous devrions éviter la récession cette année. Mais la croissance va rester molle. Le gouvernement table sur une prévision de croissance à 1%, contre 1,4% initialement. C’est encore optimiste, selon nous. Si l’on en croit l’Insee, la croissance du PIB ne devrait être que de 0,2% au premier trimestre et au deuxième trimestre. Il faudrait donc 0,7% de croissance au troisième trimestre et aussi au quatrième trimestre pour atteindre 1% – la prévision du gouvernement. Qu’est-ce qui pourrait provoquer l’accélération brutale de l’activité après l’été ? Pour être franc, on ne voit pas trop, surtout quand la politique budgétaire va devenir plus restrictive, et donc moins soutenir l’activité. Si l’on s’en sort avec 0,6%-0,7% cette année, ce sera déjà très bien.
De l’autre côté de l’Atlantique, l’économie continue de surprendre. La croissance du PIB devrait être proche de 2% ce trimestre. C’est une très bonne performance. L’évolution de l’activité pour le reste de l’année va dépendre de l’évolution des conditions de refinancement, en particulier pour les PME, ce qui va affecter directement le consommateur américain. Le marché de l’emploi est solide. Les embauches devraient être surtout le fait du secteur public. Ce n’est que fin 2023 que le niveau d’emploi dans le secteur public a renoué avec son niveau d’avant la pandémie – soit un an et demi de retard sur l’emploi total. L’inflation est toujours un peu élevée, même si elle diminue. Les poches d’inquiétude concernent les coûts médicaux, l’alimentaire et les services d’hébergement. Cela incite la banque centrale américaine à ne pas baisser tout de suite les taux directeurs.
Comment investir dans ce contexte ?
La bonne santé de l’économie américaine, surtout comparée à la mauvaise performance de la zone euro, est un facteur d’attractivité important pour les épargnants. Sans surprise, les flux de capitaux vont se recycler sur le marché boursier américain, ce qui alimente la bonne tenue des actions, et en particulier du segment de la tech. Même si nous avons assisté à des prises de bénéfices ces dernières séances sur Apple ou Tesla, par exemple, la tendance est toujours positive. Les valeurs technologiques américaines sont en situation oligopolistique et particulièrement bien positionnées sur les grands thèmes de la révolution industrielle en cours, comme l’intelligence artificielle. Cette domination fait qu’on voit mal ce qui pourrait entraîner une chute durable, à court ou à moyen terme, de ce segment de marché en Bourse. Tout au plus peut-on un peu alléger ses positions au regard des niveaux actuels atteints par ces actions.
Le Japon est l’exemple inverse. L’économie ne va pas fort. Le pays est en récession technique – deux trimestres consécutifs de contraction du PIB. Mais ses entreprises se portent bien. C’est ce qui explique que l’indice Nikkei 225 continue de battre des records. Et ce n’est qu’un début. Selon nous, les six facteurs de soutien ci-dessous devraient continuer de soutenir la bourse japonaise :
- La faible valorisation des actions, qui est accentuée par la faiblesse du yen. Le taux de change réel effectif du yen (qui permet de mesurer si une devise est survalorisée ou sous-valorisée) est proche de ses points bas du début des années 1970.
- Les profits des entreprises nippones ont triplé par rapport à la fin des années 1980. C’est un signe de bonne santé.
- Le ratio trésorerie sur chiffre d’affaires est à un point haut de 50 ans. Les entreprises veulent redistribuer aux actionnaires.
- Les rachats d’actions soutiennent la tendance haussière, comme c’est le cas sur le marché boursier américain.
- Le Japon est un moyen de jouer la possibilité d’une relance de la Chine sans être exposé au risque politique chinois. En effet, l’archipel serait le premier pays à bénéficier des retombées d’une relance chinoise.
- Les investisseurs étrangers n’ont pas fini leurs emplettes. Ils n’ont racheté qu’un tiers de leurs ventes nettes d’actions japonaises depuis le pic des Abenomics* en 2014.
En 2023, le Japon a été la bonne surprise boursière de l’année. 2024 devrait être l’année de la confirmation du retour durable des investisseurs étrangers dans l’archipel. Attention toutefois au risque de taux de change. Pensez éventuellement à couvrir le risque de change dans le cas où le yen japonais venait à fluctuer beaucoup. Ce serait dommage de voir vos gains réduits car vous n’avez pas pris cette précaution.
*Le terme Abenomics provient du nom du premier ministre japonais, Shinzo Abe, élu en décembre 2012 sur un programme économique devant permettre au Japon de sortir de la déflation et de retrouver une activité économique dynamique.
L’essentiel à retenir
- La surperformance de l’économie américaine est un facteur de soutien du marché des actions US.
- Malgré la récession technique au Japon, l’envolée du Nikkei 225 n’est certainement pas encore terminée.