En assurance vie, janvier c’est traditionnellement l’annonce des rendements annuels sur les fonds en euros. Mais le contexte a beaucoup changé en un an, avec la forte remontée des taux sur les obligations : des actifs qui constituent une large part du portefeuille des fonds en euros.
Peut-on s’attendre à un meilleur rendement que l’année précédente ?
Oui et c’est la tendance qui se dégage des annonces faites par plusieurs assureurs : c’est, bien sûr, une bonne nouvelle pour les épargnants, après des années de baisse régulière sur les taux servis.
📢 Les fonds en euros sont massivement investis en obligations : près de 80% de leurs encours en moyenne, qui se répartissent entre obligations d’entreprises (60%) et obligations d’état (40%) dont les taux ont nettement augmenté l’an dernier 📈. Mais attention au raccourci qui serait de penser que cette hausse des taux obligataires se répliquera directement sur les taux servis par les fonds en euros pour l’année 2022 !
À court terme, cet effet de remontée ne peut être qu’assez marginal, car il y a une inertie sur les taux de rendement servis par les fonds en euros :
- cette inertie, elle a d’ailleurs été favorable aux épargnants pendant des années, lorsque les taux obligataires étaient très bas (voire négatifs), mais que les assureurs continuaient de servir un rendement supérieur grâce à des obligations acquises à une époque plus favorable ;
- et la remontée des taux ne profite qu’aux obligations nouvellement souscrites, ce qui limite l’effet relutif (positif) sur le rendement : c’est un équilibre subtil que pilotent les assureurs, entre les versements collectés sur les fonds euros, le renouvellement progressif de leurs obligations en portefeuille et le fait de servir en parallèle les sorties de capitaux demandés par les assurés.
Il y a deux autres composantes qui entrent aussi en ligne de compte et qui accompagnent cette tendance haussière :
- l’une est technique, car de nombreux assureurs ont en réserve des provisions constituées depuis plusieurs années : des provisions qu’ils peuvent (et doivent) redistribuer aux assurés, la fameuse PPB (provision pour participation aux bénéfices) qui permet de compenser des années moins favorables ou d’accompagner les rendements à la hausse
- l’autre composante, plus psychologique, est liée au niveau d’inflation actuel et à la hausse rapide du taux de rendement du Livret A, qui reste un élément de comparaison majeur pour les placements sans risque : rappelons-le, il était à 0,5% (plancher historique) début 2022, et il atteint désormais 2%, avant une potentielle augmentation évoquée pour le mois de février.
Pour ces deux raisons, il est probable que les assureurs piochent dans leurs réserves et leurs plus-values latentes (mobilières et immobilières) pour améliorer leurs rendements servis au titre de l’année 2022.
Il y a aussi une distinction à faire entre les fonds en euros historiques et ceux lancés plus récemment par les assureurs
Pour les fonds en euros classiques, la gestion financière s’appuie sur des principes de prudence et de diversification : il faut assurer une liquidité et une garantie en capital à tout moment, et un effet cliquet des rendements servis.
Avec la directive Solvency 2 (une réglementation très contraignante en matière de fonds propres), ces trois caractéristiques coûtent cher aux assureurs, car les stocks sur les fonds euros représentent encore plus de 70% des encours en assurance vie ! Ce n’est donc pas un petit sujet pour les compagnies, qui ont proposé de nouveaux types de fonds en euros :
- d’abord, les fonds euro-diversifiés, puis les fonds euro-croissance (une garantie totale en capital mais à une échéance définie) ou encore les fonds croissance (une garantie partielle à échéance), ce qui leur permet de proposer une plus grande diversification, à côté des actifs obligataires classiques >> cela allège la note pour les assureurs et offre un meilleur potentiel de rendement aux assurés
- il existe aussi des fonds euros à garantie partielle sur le capital à tout moment (garantie brute des frais de gestion), là aussi pour permettre une plus grande marge de manœuvre dans la diversification : immobilier, actions, actifs non cotés…
Il faut donc bien savoir de quoi on parle avant de choisir une alternative aux fonds euros classiques, et ne pas hésiter non plus à diversifier son allocation sur des placements (un peu) plus risqués dès lors que l’on reste investi pendant une durée suffisamment longue (fonds immobiliers, fonds d’infrastructures…)
Quels premiers enseignements peut-on tirer de ce nouvel environnement ?
🔎À court terme, on va certainement voir une hausse des rendements des fonds euros, permettant à certains de se maintenir au-dessus du Livret A. Pour autant, avec un niveau d’inflation supérieur au rendement des placements sécuritaire, leur rendement réel devient négatif : attention donc à cette hausse en trompe-l’œil sur les fonds en euros, elle ne doit pas être de mauvais conseil !
🔭Si l’on regarde à plus long terme, la donne n’a pas vraiment changé. Le fonds en euros, ce n’est pas la meilleure solution d’investissement sur un horizon long : c’est une poche qui a tout son intérêt dans un contrat pour conserver de la liquidité sans risque et faire baisser la volatilité de son allocation financière, mais qui n’est pas destinée à y loger la majorité de ses placements financiers (sauf pour des profils d’épargnants sécuritaires, bien sûr).
Le fonds en euros n’est pas mort, mais c’est certainement la fin du règne du « Roi fonds euros »
Le véritable enjeu, en épargne patrimoniale et en épargne retraite, c’est de constituer une allocation d’actifs diversifiée, alignée sur son profil de risque, ses valeurs, son horizon de placement. Une allocation dont le potentiel de rendement sur le long terme surperforme l’inflation : on l’avait un peu oublié ces dernières années, mais c’est la base pour ne pas voir ses placements patrimoniaux grignotés avec le temps.